Curieuse histoire que celle du tabac
D’abord paré de toutes les vertus, le tabac a vite fait l’objet de méfiances. Et cela, bien plus tôt qu’on ne le croit.
Usage traditionnel du tabac

En Amérique centrale et en Amérique du Sud, le tabac était fumé par les Indiens à l’aide de pipes ou sous forme de rouleaux. Dans certaines régions d’Amérique du Sud, le tabac était mâché ou prisé pour « dégager l’esprit ». Lors de leurs fêtes religieuses, les prêtres aztèques et les Incas encensaient le soleil par la fumée de tabac brûlé dans des pipes rituelles.
Le tabac servait aussi de remèdes pour de nombreuses affections. Les Mayas l’utilisaient contre l’asthme, les piqûres et les morsures, les problèmes intestinaux, la fièvre, les convulsions, les affections nerveuses et urinaires, les douleurs aux yeux et les maladies de la peau. Des tribus cultivaient le tabac afin de s’en servir comme insecticide contre certaines larves de mouches parasitant la peau. Le tabac constituait aussi un élément essentiel de la vie sociale : naissances, mariages, prières…
Du succès…
Il semble que les premières graines introduites en France (1546) aient été rapportées du Brésil par André Thevet, un moine. En 1556, Jean Nicot, ambassadeur de France au Portugal, introduit lui aussi le tabac et en conseille l’usage à la Reine Catherine de Médicis pour lutter contre ses terribles migraines. Nommé « Herbe à Nicot », « herbe à la Reine », « Herbe à tous les maux », le tabac est considéré comme un des meilleurs médicaments. Le tabac se répand en Europe, par l’intermédiaire des marins. Les poètes et les écrivains le louent « C’est le plaisir des honnêtes gens, et qui vit sans tabac est indigne de vivre » fait dire Molière à Sganarelle.
…aux châtiments.
Très vite, les souverains de nombreux pays dénoncent les abus de tabac. L’Inquisition incarcère tous ceux qui osent fumer en public. En 1605, Jacques 1er d’Angleterre doit réglementer les débits de tabac de Londres, qui ont atteint le nombre de 7000 ! Il publie un pamphlet nommé « Le Misocapnos (celui qui hait la fumée) : « contre les pipes et leur fumée immonde et contre les affreux maris qui imposent à leurs épouses une coutume repoussante pour l’œil, détestable pour le nez, mauvaise pour le cerveau et dangereuse pour les poumons. ». En Russie, Michel Fédorov, grand-père de Pierre le Grand, inflige aux fumeurs cinquante coups de bâton sous la plante des pieds. En cas de récidive, il les fait pendre. A Berne, en 1661, le Sénat condamne les fumeurs à subir les peines réservées aux voleurs et aux meurtriers. Même combat en Orient. Où Abbas, shah de Perse, décide vers 1615 d’en guérir ses courtisans. Il les convie à fumer le narguilé dont il a secrètement remplacé le tabac par du fumier de cheval sec. Les flatteurs qui louent ce mélange sont condamnés à avoir la lèvre coupée puisqu’ils ne sont pas capables de distinguer le crottin d’autre chose.
Mais le tabac résiste
En 1825, après le tabac à pipe ou à priser, la cigarette arrive en France. Son succès est immense.
Dès 1810, l’empereur Napoléon 1er instaure le monopole du tabac. A la SEITA, créée en 1926, succède aujourd’hui Altadis, filiale de Impérial Tobacco.
Jusqu’en 1972, des rations de tabac ,les cigarettes « Troupe » sont fournies gratuitement aux jeunes recrues durant le service militaire.
Depuis longtemps, les fabriquants rivalisent d’ingéniosité pour attirer de nouveaux consommateurs : les femmes depuis le début des années cinquante puis rapidement les jeunes qui restent encore aujourd’hui leur cible favorite.
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…et le combat contre ce fléau s’organise.
En France, c’est en 1825 que naît l’Association française contre l’abus du tabac.
Au niveau législatif et réglementaire, la loi Veil de 1976, la loi Evin de 1991 et le décret Bertrand de 2007 marquent des étapes importantes et, depuis 2004, la France fait partie des pays qui ont ratifié la Convention Cadre de la Lutte Anti Tabac (CCLAT) .
Des programmes éducatifs sont menés par les pouvoirs publics et les associations pour informer et convaincre les jeunes afin qu’ils ne commencent pas et ceux qui sont déjà fumeurs afin qu’ils engagent une démarche d’arrêt.
D’importants efforts restent nécessaires pour dé-normaliser un produit qui, s’il était découvert aujourd’hui, serait jugé dangereux et impropre à la consommation.
Mis à jour le 24 Juillet 2014